Plus loin du post-apo, Mohand s'illustre aussi dans le médiéval-fantastique via Drakerys, porté par Don't Panic Games et son équipe de choc, et financé après une campagne Kickstarter en juin 2014. En phase de finalisation, le projet devrait arriver dans les prochains mois, aux dires de son créateur. Un créateur parfois las du manque de soutiens mais toujours enthousiaste et motivé et qui reste avant tout un joueur ravi de partager, d'échanger et de motiver.
Un orc Ashral de Drakerys peint par Chestnut Ink et récompensé par l'or au Scale Model Challenge 2015 |
Sur EDEN, il y a eu un passage de relais entre Taban et Happy Games Factory, un nouveau site et des sorties toujours régulières. Peut-on dire que le jeu est installé dans le paysage ludique ?
Avec Taban, plusieurs choses ne se sont
pas passées idéalement, notamment sur les kickstarters où le suivi
ne me convenait plus. On s'est séparé il y a un an. J'ai créé
Happy Games Factory et mis les bouchées doubles sur le développement
pour continuer à bien soutenir le jeu et toucher de plus en plus de
boutiques et de monde. On a consulté des gens et aujourd'hui je suis
hyper content parce que je pense qu'on a touché un cap
supplémentaire, le jeu continue à toucher du monde et j'espère de
plus en plus demain, grâce à des efforts de communications qui
payent de plus en plus.
"J'ai aussi la chance inouïe d'être super bien entouré, les gars qui bossent sur les profils sont toujours plein d'idée, c'est vraiment idéal"
La longévité, des sorties continues,
une actu régulière, c'est dur à maintenir ? Un impératif pour
exister ?
C'est évident qu'il faut une énergie
permanente et un investissement continu dans le développement pour qu'un jeu vive. Entre
le choix de tout arrêter après Taban ou de continuer, j'ai choisi
de poursuivre parce que je crois que le jeu a un vrai avenir et qu'il
dispose d'un potentiel certain. Ce n'est pas un sprint, mais une
course de fond. Il faut être présent en permanence et inventif.
Après, ce qu'on apprend aussi c'est que de toute façon, quoi qu'on
fasse, on se fait critiquer. Un moment ou tu choisis d'aller de
l'avant, ou tu choisis de trop tenir compte des critiques et ton
projet finit par perdre de la cohérence et tu jettes l'éponge.
Parce que ça ne te fais pas forcément avancer. Quand un avis est
pertinent, évidemment qu'il faut en tenir compte. Que ce soit sur
EDEN ou sur Stygmates, on écoute évidemment les retours et quand
quelque chose nous paraît sensé et pertinent, bien entendu on
essaie d'ajuster nos propositions. On s'adapte et on essaie d'avoir
toujours les propositions les plus pertinentes possibles. J'ai aussi
la chance inouïe d'être super bien entouré, les gars qui bossent
sur les profils sont toujours plein d'idée, c'est vraiment idéal.
Les Anges de Dante, dernière faction en date pour EDEN. Tout ça transpire encore la poésie subtile, l'amour des grands espaces, le respect de son prochain et un vieux tube de Jeanne Mas. Ou pas. |
Je délègue de plus en plus. Il y a de
plus en plus de gens en formation et en stage à l'atelier,. J'ai de
plus en plus de gens qui m'aident. Je paie de plus en plus de gens à
l'extérieur qu'il me faut gérer, j'ai de plus en plus de
prestataires, ce qui est bien parce que ça veut dire qu'il y a
encore plus de peintres, de sculpteurs. Du coup c'est vrai que ça
veut dire que je sculpte moins qu'à d'autres moments, mais quand je
peins ou je créée une figurine, c'est alors un vrai plaisir.
L'un des plats du menu du KS Drakerys, faut reconnaître qu'il y a de quoi faire. Au passage, le concept de Geiri par Maudoux (amusez-vous à chercher les autres) est très sympa. |
Encore une fois ça part d'un besoin,
d'une envie de rejouer à du jeu de masse que j'avais un peu
abandonné. En y retournant j'ai regardé ce qui se faisait : je
me suis mis à Warmachine, mais ça m'a vite fait chier, j'ai rejoué
à Warhammer, mais ça m'a vite fait chier. Du coup je me suis dit,
j'en ai marre, tant qu'à faire, autant faire ce que j'ai envie. J'ai
commencé à développer tout ça. Florent Maudoux m'a rejoint comme
illustrateur principal, c'est super agréable de bosser avec des gens
comme lui. Nicolas Raoult a davantage travaillé sur l'univers.
Ensuite j'ai commencé à présenter le projet à droite à gauche et
on a pu commencer à avancer. Mon idée, c''était d'essayer de
casser le vieux rythme un peu 'traditionnel' : plus de tour à
tour, il fallait un autre système plus fluide. Ensuite, je voulais
des figurines faciles à monter et à utiliser. On est partis sur des
figurines du type un corps, une paire de bras et une tête (avec donc
de la modularité) et avec que des profils 'jouables'. Aujourd'hui,
sur le marché, une grande partie des jeux de figurines de masse
proposent des codex ou des livres d'armées dont 30% environ des
références sont jouables par des joueurs de tournoi ou pointus. On
a donc commencé à bosser là-dessus et c'est ainsi qu'est né
Drakerys.
On accuse un certain retard sur le projet mais ce retard
est davantage lié à notre volonté d'offrir un produit finit
solide. A l'heure actuelle j'ai reçu une copie de tous les figurines
de production et on en est au point où on « pinaille »
pour le bien du jeu en faisant faire de légères modifications
lorsque cela s'avère nécessaire pour que le produit soit à la
hauteur de ce que l'on souhaite. Notre but n'est pas d'avoir un
plastique dur comme celui de Games Workshop. Il nous a fallu faire un
choix entre un plastique rigide et facile à ébarber mais avec
énormément de petites pièces ou des figurines détaillées mais
plus facilement montables, voire déjà montées. Et c'est ce second
choix qu'on a fait. Nous avons été pas mal décriés pour ça mais
quand on voit le résultat, on est contents. Aujourd'hui quand je
vois le résultat, je suis hyper content. J'ai fait jouer les enfants
d'amis et ils sont super ravis d'avoir un tel matériel à
disposition. Les starters sont déjà montés, c'est hyper agréables,
les figurines plastiques sont colorées ce qui permet de jouer
rapidement. Comme graphiquement ça donne, la plupart des gens sont
super contents. Le plastique est directement coloré, donc on ne perd
pas de détail pour les amateurs de peinture, le gris souvent plus
apprécié des peintres n'attire pas des masses le public.
Vue des figurines de héros Drakerys, la sculpture est effectivement fine
Le contenu de la boîte de base de Drakerys, relecture de l'éternel affrontement des orcs et des hommes. Dans les boutiques au printemps 2016. |
La créa est avancé, tout est fini de
mon côté, mais il reste un boulot de mise en page qui doit être
minutieux parce qu'essentiel. Je pencherai pour une livraison en
février/mars. J'ai hâte de faire les premières vidéos de peinture
sur les figurines du jeu. Je crois que c'est le mieux de montrer le
procédé. Voir faire les autres, ça apprend beaucoup.
Les Aurium Dwarves de Drakerys, forcément jaunes, version prod. Couleur et options pour les armes et socles texturés. Quasiment prêts à jouer. |
"L'objectif n'est pas de se comparer à ce qu'on peut trouver sur le web (...). Le résultat n'est pas important, c'est le voyage qui importe pas l'arrivée."
A ce propos, on a pu te voir sur la
Tric-Trac TV où tu partageais ton expérience de la peinture. C'est
important pour toi de transmettre et de partager ? De
décomplexer aussi les gens par rapport à la peinture et leurs
résultats ?
J'ai l'impression qu'on est un peu à
une époque où les gens jettent vite l'éponge. Je trouve ça
dommage : c'est en essayant en apprenant qu'on prend du plaisir.
L'objectif n'est pas de se comparer à ce qu'on peut trouver sur le
web, mais de se dire, je prends du temps, ça me fait du bien, je
mets de la peinture sur mes figurines et en jouant, ça sera encore
plus agréable et pour moi et pour mes partenaires. Le résultat
n'est pas important, c'est le voyage qui importe pas l'arrivée.
L'idée c'est de démocratiser les choses. C'est une démarche
globale pour moi, dans le jeu, la peinture, etc.
"On vend en Allemagne, on vend en Italie, on vend en Angleterre, on vend en Australie, on vend partout. Si on ne faisait pas ça, le jeu ne serait pas viable"
Patriot, machine de la Résistance pour EDEN. Une sculpture de Morbäck et une peinture de Mohand. En France, on n'a pas de pétrole, mais on a du talent. |
Nul n'est prophète en son pays et
quand on a lancé EDEN et encore parfois aujourd'hui quand on lance
un projet en France, on se fait démonter. Pourquoi ? Parce que
tout le monde fait mieux. C'est un constat que tu fais quand tu
démarres un truc. C'est important de le savoir. Ce n'est pas méchant
mais il faut y être préparé. Donc il faut s'accrocher et essayer
de faire les choses bien, ce qui est la démarche d'Happy Games
Factory. Après il y a aussi une réalité, c'est que pour faire
vivre une société, il est important que les quantités et les
volumes de ventes soient plus conséquents. Pour toucher le public,
il nous est donc essentiel de passer par la langue internationale
qu'est l'anglais. Notre Kickstarter on l'a lancé sur la plate-forme
française parce que nous sommes Français, mais en langue anglaise
(avec une version française tout de même) parce qu'on a besoin de
toucher le plus de monde possible. C'est un passage obligé. Sans la
communauté internationale on ne vit pas, on vivote au mieux mais on
ne vit pas. On vend en Allemagne, on vend en Italie, on vend en
Angleterre, on vend en Australie, on vend partout. Si on ne faisait
pas ça, le jeu ne serait pas viable.
C'est vrai qu'en France on est des
vrais purs râleurs, au début je ne m'y attendais pas. La première
fois que je m'en suis rendu compte c'est quand je me suis rendu à
une convention à laquelle j'étais invitée aux Etats-Unis. Ca m'a
fait un vrai choc parce que je passais de « ouais, ça c'est
pas top », « il y a mieux », « on a déjà
vu », « bof... » à « wahou, c'est
génial ! ». Alors ok, on se moque des américains parce
qu'ils sont souvent en mode « It's amazing ! », ça
n'empêche que ça reste plus agréable que « c'est de la
merde ! ». Je préfère un point de vue qui essaie de voir
le bon côté des choses que de systématiquement mettre en lumière
les choses qui ne vont pas.
Le starter v2 de l'ISC pour EDEN |
Il y a des traducteurs, des relecteurs
étrangers et des pistes pour du développement à l'étranger mais
rien de bien précis encore. On est une petite société, Happy Games
Factory, c'est moi et un manutentionnaire. Et plein de gens que je
paye autour en fonction des projets, en freelance plus des
bêta-testeurs qui sont à fond. Sans eux, on n'y arriverait pas.
C'est aussi l'intérêt d'un projet
comme Stygmates qui peut intéresser des gens qu'on ne touchaient pas
forcément jusque là.
"Je joue à pas mal de choses en fait, je joue même de temps en temps à Diablo 3, ça me déconnecte le cerveau et à certains moments ça fait vraiment du bien"
"Viens, viens par ici que je te vide la tête !". Parfois, quand on pousse de la fig, on quitte aussi la table pour jouer sur un écran. Ce n'est pas sale. |
Heureusement oui ! Je pense que
Zombicide est devenu un incontournable : le jeu est fun rigolo
et fluide et utilisable avec des gens qui ne sont pas forcément
joueurs. Je continue de temps en temps à jouer un peu à 40K,
notamment parce que j'ai peint des figurines et que je veux les
jouer. Il n'y a pas longtemps j'ai joué à Welcome to the Dungeon,
un petit jeu cool qu'on peut poser sur la table et auquel on peut
jouer tout de suite. Je joue à pas mal de choses en fait, je joue
même de temps en temps à Diablo 3, ça me déconnecte le cerveau et
à certains moments ça fait vraiment du bien. C'est à peu près
tout. Je t'avoue que Infinity par exemple je n'y arrive plus, c'est
très long et fastidieux et il y a beaucoup de jeux que j'adore mais
il y en a aussi pas mal qui ne m'accrochent pas assez longtemps.
Merci encore à Mohand pour avoir pris le temps de répondre à mes questions
Le site d'EDEN
Le site de Drakerys
Le kickstarter de Drakerys
Le kickstarter de Stygmates (plus de 24000€ récoltés)
Très classe et j'appuie ton commentaire comme quoi il y a du talent dans ce pays !
RépondreSupprimerBien d'accord, tu en es la preuve ;)
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