Interview : Morikun, Gardien d'un Temple rempli de pèlerins (1ère partie)

Une légende raconte que dans les les terres du sud se dresse une antique construction religieuse. un édifice de pierres moussues qui ne se dévoile qu'aux pèlerins les plus opiniâtres et aux marcheurs les plus courageux. Un espace de paix et de recueillement qui porte aussi les traces de nombreux combats oubliés, de pierres fondues en sable vitrifié, le promeneur entre alors dans un vaste hall très densément rempli de manuscrits et de rouleaux en tous genres. Les allées et venues, bien que nombreuses, ne troublent que rarement la quiétude des lieux veillés par un gardien calme portant le daisho mais aussi un bolter lourd chargé de projectiles au napalm. Alors qu'un nouveau concours destiné à fêter la fréquentation conséquente de son modeste temple vient de démarrer, le Gardien du Temple a bien voulu répondre à quelques questions. Ceux qui le connaissent savent l'homme bavard, aussi , cet entretien sera-t-il partagé en trois parties, pour éviter au lecteur la lecture d'un aride pavé de réponses néanmoins passionnantes. Place pour commencer à Morikun, le modéliste et le joueur.

Le Temple,  abri séculaire (enfin au moins depuis juillet 2011) de son inénarrable gardien

La question est presque traditionnelle : qu'est-ce qui t'a amené vers le monde de la figurine ? Comment en es-tu venu à accumuler les petits bonshommes ?

Pour être honnête, ce n’est pas « quoi » mais « qui » m’a amené vers le monde de la figurine. C’est un ami d’enfance de Strasbourg (j’y ai passé 12 ans) rencontré en 6e (en 1990) qui était déjà à fond dans les jeux de rôles (il était abonné à Dragon Magazine, sa chambre était remplie de figurines Mithril et Donjons & Dragons et il avait même déjà quelques figs de GW). Nous avions en commun notre passion pour le moyen-âge et les ouvrages de Tolkien (et les Simpsons) et c’est lui qui m’a parlé de la boutique Philibert de Strasbourg. C’est aussi lui qui m’a offert ma toute première figurine qu’il avait peinte lui-même : un paladin en armure.
C’est là, à 9 ans (j’en ai 35 à présent), que j’ai cassé les pieds à mes parents pour qu’ils m’achètent une boite de figurines. Je m’en souviens encore c’était un set de figs en plomb de AD&D d’aventuriers (le hobbit voleur, le paladin costaud, le nain, la magicienne, l’archer elfe, etc.) qui a dû coûter 40 francs (6€ d'aujourd'hui) la quinzaine. J’ai fais mes premiers pas comme tout le monde : avec les peintures à l’huile Humbrol que j’avais quand j’assemblais des modèles réduits d’avions… Les premiers résultats n’ont pas été top...

"C’est là, à 9 ans (j’en ai 35 à présent), que j’ai cassé les pieds à mes parents pour qu’ils m’achètent une boite de figurines"

J’ai déménagé avant la 4e pour venir à Bordeaux. Il est venu me rendre visite une fois. C’est là qu’il m’a fait découvrir pleinement les figs GW lors d’une visite au Centre Hobby de Bordeaux (il avait acheté la boite de la compagnie des rangers de Bugman… Ca ne rajeunit pas hein ?). J’ai gardé quelques temps le contact avec ce pote mais au fil du temps nos rapports se sont malheureusement distendus bien évidemment.
Je tente le coup à tout hasard s’il est toujours figuriniste : ce pote, c’était J. Weiss du collège de l’Esplanade (hé oui pour ceux qui connaissent, le Gardien du Temple y était, de même qu’à l’école Jacques Sturm juste à côté !). "Spéciale kassdédi à toi mon Cher Morpion, peut être qu’un jour on se reverra pour un rapitipop ?Regarde ce que je suis devenu à cause de toi !" Avec ça le concerné devrait comprendre !

La boîte des Rangers de Bugman. Notez le packaging d'époque et ses illustrations délicieusement rétro : le rêve... et un point de départ pour beaucoup de figurinistes

Tu étais plus passionné par le jeu ou par la peinture et la collection des figurines ?
La peinture. Encore et toujours et pour toujours. Il faut dire que de mon temps (mode vieux con ON), les jeux de figurines n’étaient pas du tout entrées dans les mœurs. Il y avait bien les soldats de plomb mais c’était à part (et je n’en ai jamais eu) et il fallait vraiment connaître quelques initiés. Donc vu que les joueurs se trouvaient encore moins facilement que des antennes téléphoniques Be-Bop (l’ancêtre du téléphone portable les jeunes ! Les moins de 25 ans ne peuvent pas connaître), c’est la peinture qui m’a d’abord séduit avant le jeu.
Dans la famille nous avons toujours été un peu portés sur les arts plastiques : mon Père dessinait et peignait des reproductions de personnages de Walt Disney pour décorer notre chambre à mon frère et moi et ma mère s’est adonnée avec un certain succès à la peinture sur soie. Je suis absolument nul en dessin mais je ne me suis pas trop mal débrouillé pour la peinture.

"C’était aussi le temps ou à la tête de mes hommes-lézards, les Slanns n’était pas des gauffrettes bio allégées : un Seigneur-Mage, ça balançait 8 attaques de force 8 dans la figure avec une init de 8 il me semble…"

Oui, le gardien du Temple a peint du Games Workshop. Et même beaucoup !

A tes débuts, tu joues seul, avec un groupe d'amis, dans un club ?
Au tout début, je n’ai presque pas joué. Seulement peint comme je l’ai dit. Je m’y suis sérieusement mis au lycée (Lycée Magendie à Bordeaux… C’est le seul de la région qui proposait le bac L option Japonais !) quand j’ai eu le gros coup de bol (où la bénédiction des Kami) de rencontrer un mec qui se faisait dans son coin une armée de Bretonniens. Nous avons donc très rapidement sympathisé et enchainé les batailles chez l’un ou l’autre les week-ends : ses formations en fer de lance aussi bien en cavalerie que pour ses archers (Bertrand le Brigand, je te hais toujours !) me cassaient royalement les nouilles… Mais c’était aussi le temps ou à la tête de mes hommes-lézards, les Slanns n’était pas des gauffrettes bio allégées : un Seigneur-Mage, ça balançait 8 attaques de force 8 dans la figure avec une init de 8 il me semble… Et avec la Lame de Cocacila qui détruisait les objets magiques adverses à chaque blessure non sauvegardée, "ça chiait vraiment dans les casseroles" comme le dit si bien Deadpool avec raffinement XD
" Speciale kassdedi à toi T. Monteil et puis si c’est autorisé, je te fais même de la pub (car oui, LUI, il savait extrêmement bien dessiner… Et d’ailleurs il en a fait son métier)"
Après ça a toujours été davantage du jeu entre potes mais depuis 4 ans, je suis dans le Club de la GUILD de Gradignan : c’est un club de Vieux de la Vieille. On se réunit le jeudi soir au Château de Malartic et la cotisation est de 10€ à l’année (on a vu pire hein)… Le problème c’est que ce jour là, j’ai toujours un sacré rush au boulot donc je n’y viens que durant les vacances scolaires, et encore...
Tu continues à jouer régulièrement tout au long de ta carrière ou est-ce que tu as des moments de pause dans ta pratique des jeux de figurines ?
Ben… En fait après le lycée, je n’ai pas joué autant que ça jusqu’à ce que je m’inscrive à la GUILD : j’ai dû tourner à 3-4 parties par an grand maximum… C’est paradoxal dans la mesure où j’ai peins pleins de figs pour pleins de jeux différents avec les décors qui vont avec… Mais bon, c’est comme ça. Maintenant je tâche de jouer un peu plus. Cette année, je dois avoir accompli le score faramineux de… 10 parties. Infinity en grosse majorité !

Le clan Mori déployé dans la forêt (modularité et hommage au clan de la Grue) ! Classe, non ?

Qu'est-ce qui gouverne tes choix en terme de jeux : le fait que tes comparses y jouent ? Les figurines ? Les règles (leur accessibilité ou leur profondeur) ?
Depuis toujours, j’ai opéré selon MA volonté. Il y a bien quelques fois où je me suis laissé porter par le choix de mes Partenaires de jeux habituels car j’ai la chance d’être en relation avec des figurinistes formidables (Le Caillou, Ajax, Drong, Whispe, Jerreck et toute la GUILD ^^) qui ont de bons goûts mais à 90% je fais ce que je veux.
Le Caillou et Ajax sont par exemple des fondus de SAGA, j’ai tenté de les suivre avec du SAGA Fantasy de Maître Perno mais finalement ça ne m’a pas branché plus que ça. Idem pour Dead Man’s Hand et Dystopian Wars : ce sont de très bons jeux mais je n’ai pas le temps ni l’envie de tout peindre/jouer et je préfère me recentrer sur ce qui me plait vraiment.
Les figs peuvent avoir une influence mais uniquement en qualité de proxy dans mes jeux favoris quant aux règles… C’est bien simple je n’aime pas les lire. Quand je jouais aux jeux de GW (Battle et 40K), je me contentais du minimum syndical (et encore), pour les tournois de Fury Outburst Control, j’y suis allé à chaque fois sans les connaître (je les ai lu un peu pour la V1 et pas du tout pour la V2). Je me suis surpris moi-même en potassant sérieusement en revanche Infinity, mon jeu d’escarmouche SF dont je suis über-fan… alors qu’il est de notoriété publique que le truc est hyper complexe, technique, à la rédaction et la compréhension très discutables et très fouilli-fouilla !! Je dois en être à ma 10e relecture (Human Sphere compris) !!

La famille Alien par le grand maître lui-même. Notez la reine alien et son sac de ponte. Un superbe boulot.

Tu joues régulièrement ou est-ce que tu passes plus de temps en modélisme qu'en jeu ?
Jusqu’à cette année, je ne jouais, paradoxalement, quasiment jamais. Une « grosse année de jeu » pour moi se résumait à 4-5 parties grand maximum (faut dire aussi que j’ai une vie professionnelle et personnelle assez chargée). Ce qui est aussi complètement crétin dans la mesure où j’ai accumulé des figs peintes, réalisé des décors etc etc etc… Cette année, j’ai pris la bonne résolution de jouer davantage. Je progresse car je dois en être à… 10 parties environ là.
En modélisme cependant c’est autre chose : peintre avant d’être joueur, j’opère dès que l’envie m’en prend (et que j’en ai la possibilité ^^).

"Je suis un adversaire apocalyptique lorsque je suis en public : au club, j’interpelle la table d’à côté, je fais l’andouille en racontant des conneries qui font rire tout le monde, je mime les actions de mes figs avec force bruitages, je me déplace, je vais m’asseoir en face de mon adversaire ou à côté de lui si ça me permet de mieux suivre la partie, je tente des actions d’éclat complètement dingues"

Dans le jeu ce qui t'attire, ce sont des règles léchées et touffues ou plutôt la simplicité et le fun ? Quel genre d'adversaire es-tu ?
Comme dit précédemment, ce n’est certainement pas les règles qui m’attirent de prime abord. Davantage l’esthétique de la fig mais aussi le fun. Je suis un adversaire apocalyptique lorsque je suis en public : au club, j’interpelle la table d’à côté, je fais l’andouille en racontant des conneries qui font rire tout le monde, je mime les actions de mes figs avec force bruitages, je me déplace, je vais m’asseoir en face de mon adversaire ou à côté de lui si ça me permet de mieux suivre la partie, je tente des actions d’éclat complètement dingues (ou nazes) même si ça peut mettre le souk dans mes plans ou compromettre mes chances de gagner (engager une infanterie lourde à Infinity avec un péon de base à poil ? Et alors ? L’Armée Sectorielle Japonaise ne craint pas la mort !! Banzai !!)… En face à face au Temple ou chez un copain je suis un peu plus calme mais juste un peu… Il faudrait plutôt poser la question au cartel des figurinistes du Sud-ouest pour connaître précisément la vérité. Je joue uniquement pour m’amuser, certainement pas pour la gagne (même si ça fait plaisir).

Oui, Morikun est aussi un grand (!) joueur de Fury : Outburst Control !

En conclusion je dois être le cauchemar absolu de l’adversaire qui aime bien que la partie se déroule avec la précision et la régularité d’une horloge suisse en espérant que je connaisse autant sinon mieux les règles à la virgule près. Si je voulais jouer avec un robot, je jouerai à la console ou à l’ordi. Nous sommes des humains donc je me comporte comme tel XD. J’avoue quand même qu’à Infinity je connais davantage les règles qu’habituellement.

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Merci à Morikun qui s'est prêté extensivement au jeu des questions/réponses avec sympathie et ouverture. Si j'ai coupé l'interview en trois parties ce n'est pas pour rendre hommage à l'art du teaser de l'interviewé mais pour ne pas tout mélanger dans un seul post qui risquerait de devenir indigeste.
La deuxième partie de l'interview et la troisième partie de l'interview

Le concours des 600 000 visites
Les participations au concours des 300 000 visites
Le premier post du Temple
Le travail du Gardien dans la création de décors divers, variés et modulables
L'oyumaru-do, un art dans lequel le Gardien du Temple est passé maître