mercredi 30 septembre 2015

Interview : Victoria Game, Warmachine et Hordes par Grégoire Boisbelaud, again

Juin 2001, alors que la troisième édition de Dungeons & Dragons est encore jeune, de nombreux éditeurs tiers se lancent dans la publication de matériel pour le jeu, notamment de nombreux scénarios. Parmi la masse de sorties, pas toutes passionnantes, un triptyque (The Longest Night, Shadow of the Exile et The legion of lost souls) se démarque pour deux raisons : l'univers steampunk des Royaumes d'Acier qui s'éloigne des autres propositions plus proches d'une fantasy traditionnelle et les couvertures signées Matt Wilson (représentant le personnage emblématique d'Alexia Ciannor). Quatorze ans plus tard, deux éditions d'un jeu de rôles (fonctionnant sous deux moteurs différents) et surtout deux jeux de figurines ont développé les Royaumes d'Acier bien au-delà de ce que proposaient les trois scénarios de départ. D'un côté, des constucts métalliques menés par des magiciens spécialisés s'affrontent dans la boue et l'odeur de poudre, de l'autre, des créatures sauvages voient leur rage canalisée pour servir d'arme à des druides capables de les maîtriser.

Très typé, l'univers développé par Privateer Press s'est déployé depuis sur les tables de jeu derrière Warmachine puis Hordes au fil de deux éditions qui ont servi à affiner un système de jeu exigeant et redoutable, lequel se base sur une écriture ultra-précise des règles et des profils équilibrés au cordeau. Sur les tables, ça donne des bastons entre des golems mécaniques maniant l'électricité contre des loups-garous gigantesques, des machines nécromantiques affrontant des trolls monstrueux et bien plus encore. Hormis une timide tentative de traduction vite oubliée, Warmachine ne se fera que peu d'émules dans l'Hexagone (mais des accrocs, rassemblés principalement dans le forum Battle-Group), jusqu'à l'arrivée, voilà deux ans de Victoria Game, société toute entière vouée à la traduction, la distribution et la promotion des jeux Warmachine et Hordes.

C'est le moment où beaucoup de joueurs se détournent de Warhammer Fantasy Battle et où de nouveaux venus se laissent tenter par l'univers de Privateer Press. La communauté grandit grâce au travail de fond effectué par Victoria Game et les récents changements intervenus chez GW marquent une rupture forte (GW propose un système gratuit et léger davantage tourné vers du scénario narratif vite bidouillé quand PP sort chaque année un livret gratuit de scénarios et de jeu plus orienté vers la recherche du combo et de la finesse mécanique), au point que Privateer Press met lui aussi ses règles gratuitement à disposition (en anglais du moins).

Les accrocs au Focus et à la Furie et au jeu compétitif sont néanmoins ravis : pour la première fois cette année, au fil d'une semaine entièrement dédiée au jeu, des joueurs de France, de Navarre et d'ailleurs pourront mesurer leur talent au gré d'une série de tournois et de rendez-vous ludiques et modélistiques.
Grégoire Boisbelaud, hobbyiste multicartes a encore une fois bien voulu répondre à quelques interrogations sur le travail de Victoria Game et l'IronWeek, première du nom.
Il faut reconnaître, Matt Wilson sait y faire pour donner un style et une approche singulière à ses travaux. Son travail influence largement le design des Royaumes d'Acier. Normal, il en est l'un des pères (c'est aussi l'un des pères d'un autre jeu magnifique : Legend of the Five Rings).

"Des sorciers puissants, les warcasters et warlocks, dirigent leurs battlegroups composés de robots et de monstres pour tatanner la face de l’armée adverse"

Victoria Game a fêté ses deux ans il y a quelques mois. Tu peux nous en dire plus à propos de la structure ? De ses animateurs ? De sa relation avec Privateer Press ? Quel y est ton rôle ?
Victoria Game est le distributeur officiel et exclusif de Privateer Press. C’est une petite structure de moins de 10 personnes (en comptant les freelances) qui a ses bureaux en région parisienne, même si nous travaillons de partout dans le monde.
Mon rôle est Community Manager et Quarter Master. Je m’occupe donc des communautés en ligne et des réseaux sociaux et du programme de volontaires qui organisent les événements autour des jeux Warmachine et Hordes.
Des boîtes permettant de démarrer directement avec une armée clef en mains sont mêmes sorties (en édition limitée). Parti de l'escarmouche, Warmachordes louche maintenant vers des formats plus costauds. La course à l'armement est partout et les bestioles gigantesques se font de plus en plus nombreuses. Ici, les Elfes peu tolérants du Châtiment de Scyrah et leur myrmidons, beaux, forts, subtils, irrésistibles. Je vous ai dit que je jouais elfe ?

Si tu devais pitcher Warmahordes à un jeune curieux, tu t'y prendrais comment ?
Warmachine et Hordes sont deux facettes d’un même système de jeu qui permettent aux joueurs de voir s’affronter des armées, des robots et des monstres gigantesques dans des batailles qui mêlent magie, catch et steampunk.
Des sorciers puissants, les warcasters et warlocks, dirigent leurs battlegroups composés de robots et de monstres pour tatanner la face de l’armée adverse, dans des parties de toutes tailles, de l’escarmouche à la bataille de masse, et scénarisées.

"Depuis que nous traduisons, les ventes sont nettement supérieures à ce qu’elles étaient. Nous sommes devenus le 3ème plus gros pays en nombre de joueurs dans le monde"

Quels ont été les axes prioritaires de Victoria Game ? De la traduction et de la diffusion, quelle était la jambe la plus indispensable ?
Les deux. Quand VictoriaGame reprend la distribution, le réseau de vendeurs est faible, l’approvisionnement limité et il n’y a plus de traduction. Il a donc fallu prendre le problème par les deux côtés à la fois.

Et paf. Un logo pour le jeu de la reine Victoria. Et un soutien pour les jeux de Privateer Press en France

Le passage à la langue de Molière reste-t-il un levier essentiel pour développer le jeu ?
Oui. C’est fondamental. Même quand on parle couramment une langue étrangère, cela fait appel à une partie du cerveau, tout devient plus difficile, moins naturel. Et l’anglais n’est pas une langue que tout le monde parle. Depuis que nous traduisons, les ventes sont nettement supérieures à ce qu’elles étaient. Nous sommes devenus le 3ème plus gros pays en nombre de joueurs dans le monde.

"L’inventaire est colossal (nous avons plus de 1000 références dans notre catalogue), il faut montrer des figurines peintes et connaître le système de jeu"

Il y a un noyau de joueurs de longue date (autour notamment du forum Battle-group), est-ce que la nécessité de convaincre de nouveaux joueurs allait de pair avec l'obligation de ne pas perdre ces joueurs qui sont aussi des relais essentiels du jeu (mais qui n'étaient pas spécialement gênés par le fait de joueur dans la langue de Matt Wilson) ?
Nous ne voulons pas les perdre car la plupart sont aussi des moteurs de la communauté, ne serait-ce que parce qu’ils ont fait vivre le jeu en des temps plus difficile. Mais la traduction et le développement du réseau de vendeurs a aussi permis d’agrandir la communauté et de confirmer que derrière l’arbre, il y a toujours une forêt. :)

Un réseau de boutiques partenaires a rapidement pris forme. La présence physique et des relais motivés sont des appuis essentiels : a-t-il été facile de convaincre les distributeurs parfois confrontés à la multiplication des gammes ?
Ce n’est jamais facile. Travailler la figurine est long et compliqué. L’inventaire est colossal (nous avons plus de 1000 références dans notre catalogue), il faut montrer des figurines peintes et connaître le système de jeu. Mais nos partenaires jouent le jeu et nous leur offrons des possibilités de promotion, comme le dépôt de figurines peintes par nous dans leurs vitrines et évidemment des conseils personnalisés pour prendre les meilleurs produits.
L'armée du Khador et son warjack colossal, illustrations parfaites de l'ambiance poétique qui règne sur les Royaumes d'Acier
L'une des forces de Warmachine/Hordes, c'est le jeu organisé via de nombreux tournois. Comment Victoria Game a abordé la chose ?
Quand cela marche, il ne faut rien changer. Ainsi, Privateer Press offre un jeu organisé puissant et varié. Que ce soit le format Steamroller pour les tournois ou les ligues Journeyman pour motiver les nouveaux joueurs à jouer et peindre, nous avons juste traduit et adapté. :)

"Nous sortirons tous les forcebooks d’ici la fin d’année !"

En plus de deux ans, pas mal d'ouvrages ont été traduits en français, parfois simultanément avec les sorties américaines, et en injectant dans les ouvrages des mises à jour dont les ouvrages originaux ne bénéficient pas. Quels sont les objectifs de ce côté : sortir tous les forcebooks en VF au plus vite ?
C’est même une quête : nous sortirons tous les forcebooks d’ici la fin d’année !
Après un démarrage un peu difficile, le rythme des traductions s'est nettement accéléré cette année. En juin dernier, le supplément Reckoning présentant les derniers profils, est publié simultanément en français et en anglais.

Qui de Warmachines/Hordes marche le mieux en France ?
La question est plus complexe. Les deux systèmes sont à des niveaux similaires de popularité. Certaines armées dominent mais à égalité entre les deux systèmes. Warmachine vend globalement plus mais il y 7 factions au lieu de 5 et nettement plus de références.

Warmachine et Hordes sont en France pour durer ? Etait-ce aussi une volonté de Privateer de favoriser le contact avec des joueurs d'autres langues ?
Oui. Ces jeux ont maintenant 10 ans. Et la France a une présence internationale que ce soit par le biais de VictoriaGame en tant que distributeur mais aussi par la présence des équipes de France au WTC (NDLR : World Team Championship), le championnat du monde par équipe non officiel dont Victoria Game est sponsor.

Début de l'été : une info tombe annonçant un évènement exceptionnel cet automne, baptisé Iron Week : tu peux nous en dire plus à ce propos ? 
C’est tout simplement une semaine de jeu autour des univers des Royaumes d’Acier. Des tournois, des formats fun, du jeu libre, un concours de peinture. Du jeu, du jeu et encore du jeu. http://www.victoriagame.fr/ironweek/fr/ pour en savoir plus.
Alexia Ciannor par Matt Wilson en couverture du troisième scénario de la trilogie Witchfire pour le système d20. Celle par qui le malheur arrive...
L'idée c'est de fédérer les troupes autour d'un grand moment partagé ? De provoquer des rencontres entre les grands joueurs du circuit européen ? De faire briller les yeux des p'tits jeunes ?
L’idée c’est vraiment de jouer et de rencontrer notre public et de leur offrir un événement rien qu’à eux.

Une date est jointe à l'évènement. Doit-on en déduire qu'une nouvelle édition aura lieu chaque année ?
OUI.
La même Alexia Ciannor avec ses sbires, version figurine. Aujourd'hui hélas, le jeu de rôles (pourtant intéressant) n'est plus qu'un produit annexe du jeu de figurines.
Y a-t-il des projets de traduction de la nouvelle édition du jeu de la nouvelle édition du jeu de rôle Iron Kingdoms, de son pendant sauvage Unleashed ou même du jeu de plateau The Undercity ?
Nous y songeons. Honnêtement, traduire du JdR, c’est très compliqué et cela coûte très cher. Mais c’est notre but à terme, oui. Pour le jeu de plateau, c’est aussi un projet à moyen terme.
The Undercity : après Grind (un pseudo Blood Bowl), Privateer Press utilise à nouveau les Royaumes d'Acier pour un jeu de plateau. Cette fois pour un dungeon crawler plutôt pas mal fichu et farci de figurines.

La page 5, une approche décomplexée d'un jeu très riche en combinaisons et une volonté d'embrasser le plus largement la communauté des joueurs (occasionnels, plus réguliers ou hardcore) : c'est un grand écart difficile ou une combinaison gagnante pour Privateer Press et Victoria Game (notamment face à une firme grandbretonne bien connue) ?
La Page 5 prone simplement une chose : amusez-vous avec vos partenaires. Et tant que le jeu est amusant, grâce à une rigueur de rédaction de règles sans égale, c’est effectivement une combinaison gagnante.


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Merci au toujours sémillant Grégoire Boisbelaud pour ses réponses.
Le site de Victoria Game
Le site de l'Iron Week
Le forum Battle-Group
Le site Battle-Group
Le site de Privateer Press
Les règles (dans la langue de Gary Gygax) de Warmachine et Hordes
La vidéo vient des compères de la Guerre au Garage qui ont également réalisé un épisode en forme d'introduction à Warmachordes
Dans le Blogurizine 20, on trouve une présentation du rôle de Press Ganger et une interview des "anciens" du forum Battle-Group

4 commentaires:

  1. Bravo pour tes interviews, c'est toujours un plaisir à lire !

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    1. C'est que mes interlocuteurs sont toujours passionnantes. Merci à toi !

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  2. dommage qu'ils ne se lance pas mieux sur le concours de peinture pour prendre la place du games day désormais disparu... celui de l'iron week était clairement un brouillon...

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    1. Oui j'ai vu les retours. Je ne sais pas comment était organisé le concours de peinture mais je pense que l'envie de remettre ça est bien là et que Victoria Game a clairement une place à prendre sur le créneau. Ceci dit j'ai vu passer quelques belles pièces dans les compte-rendus.

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